Technologie numérique

La révolution digitale est en marche

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François Cazals, professeur à HEC et spécialiste de la révolution digitale , était l’invité de l’Assemblée générale de la coopérative 110 Bourgogne.

Professeur à HEC Paris, François Cazals était l’invité de la coopérative 110 Bourgogne pour son Assemblée générale. Une intervention sur le thème de la révolution digitale et de ses enjeux pour la profession agricole
Nous vivons un moment révolutionnaire qui est celui de la révolution digitale… Une affirmation qui a servi de fil conducteur à François Cazals pour son intervention ce vendredi, devant les adhérents de la coopérative 110 Bourgogne, réunis en Assemblée générale à Hauterive. Professeur affilié à HEC Paris, habitué à intervenir depuis une vingtaine d’années dans le monde agricole, ses domaines d’expertise portent notamment sur les stratégies innovantes et digitales, à l’heure du tout numérique.

Un modèle digital largement dominé par des entreprises américaines réunies sous l’acronyme «Gafam» : «A elles seules, Google, Apple, Facebook, Amazone et Microsoft pèsent pratiquement 30 à 40 % de plus que le PIB de la France, 5e puissance mondiale. Nous sommes 66 millions d’habitants, ils comptent au total 660 000 collaborateurs, une génération de valeurs à l’individu, qui est cent fois supérieure à celle d’un grand pays européen».

Avec des chiffres pouvant donner le vertige, à l’image de Google, organisateur de l’information dans le monde, avec 130 000 milliards de pages Web consultées et un chiffre d’affaires en dollars, de 90 Mds, pour un résultat net de 19,5 Mds : «aujourd’hui, la visibilité d’une organisation est entièrement liée à Google. Longtemps l’agriculture a voulu vivre heureuse et cachée, il est temps désormais qu’elle parle favorablement de tous ses bénéfices apportés à la société française et cela passe par une visibilité sur Internet».

Depuis le lancement de son premier iPhone, il ya tout juste 10 ans, Apple est pour sa part devenu créateur d’un «monde mobile», alors que l’on compte 7,5 milliards de cartes SIM sur la planète, autant que d’êtres humains… Au cœur des relations entre les humains, Facebook a pour sa part, créé en à peine une décennie, le premier média mondial : «songez que si la plus forte audience enregistrée à la TV en 2016, le fut pour la finale de l’euro de foot entre la France et le Portugal, avec 16 millions de téléspectateurs, Facebook, en une journée sans actualité particulière, comme aujourd’hui, réunit en France 33 millions de personnes. Devenue, pour le meilleur, mais aussi pour le pire, le 1er média de la planète». Même visibilité pour Amazon, leader de l’E-commerce en France, avec 72 milliards € de chiffre d’affaire. Une entreprise devenue référence en matière de service au client, mais également leader mondial du «Cloud computing», ou «informatique déportée».

A l’image de Microsoft, en train de devenir l’acteur de tout un écosystème informatique «dans les nuages» : «aujourd’hui, l’informatique dans les entreprises ne va bientôt plus exister. Elles seront amenées à la déporter chez des prestataires de services dédiés, dans les nuages et sur le Cloud».

170 000 milliards opérations à la seconde
Un transfert de données objet de toutes les convoitises, explique François Cazals : «nous entrons dans un monde où la création de valeurs va être principalement issue de la capacité des organisateurs à capter, traiter, transformer ou valoriser la donnée, pour en faire de nouveaux modèles économiques». Au détail près qu’aucune entreprise européenne n’est présente dans ce combat de titans qui s’amorce entre les blocs américains et chinois. Demain, le traitement des données sera un sujet de compétitivité majeure, y compris pour les coopératives agricoles : «il sera à la portée économique de moyennes et petites structures car le coût de stockage et le traitement technologique a complètement explosé vers le bas». En témoigne le coût d’une prestation achetée aujourd’hui chez Amazon permettant la déduplication d’un fichier de 2 millions d’adresses pour moins de 90 € ! Les géants du Net se donnant les moyens pour arriver à leur fin, à l’image de Google, n’hésitant pas à investir 150 M$, pour une stratégie nouvelle visant à «la captation des données de toutes les industries, y compris agricoles, pour les valoriser, que ce soit par de la pub ou des services à forte valeur ajoutée». D’autant, rappelle le conférencier, que la croissance de données est exponentielle : «aujourd’hui, 1er décembre 2017, les humains et les machines ont généré en une journée autant de données que toutes celles produites par les humains depuis le début de l’histoire de l’humanité jusqu’en 2008». Soit l’équivalent d’un CD de 700 Mo de données produit quotidiennement par chaque habitant de la planète pendant 1 an. Un chiffre appelé à doubler tous les deux ans !

L’heure est aussi à «l’Ubérisation», un mot inventé en son temps par l’ancien patron français de Publicis, Maurice Lévy : «de nouveaux modèles économiques émergent, fondés sur des technologies digitales et du traitement de la data, qui attaquent les modèles traditionnels». Une nouvelle ère, où les modèles digitaux attaquent les modèles physiques, à l’exemple d’Airbnb et l’hébergement hôtelier, Uber et les transports urbains, Netflix et la télévision : «et aujourd’hui, il n’y a aucune raison pour que l’agriculture soit épargnée par ces attaques et cela a déjà commencé». La technologie n’est pas en reste, avec de nouveaux ordinateurs d’une puissance de 170 «teraflops», prévus effectuer 170 000 milliards d’opérations à la seconde ! L’émergence d’une intelligence artificielle sans limite, selon François Cazals : «aujourd’hui, nous arrivons dans un monde inconnu, mais la technologie n’est pas morale, c’est l’humain qui décide de l’utiliser de façon bonne ou mauvaise».

Pour le meilleur, à l’exemple de cette coopérative céréalière passée par les services de la société Green Data, pour optimiser ses tournées de collecte et économiser ainsi 15% de sa facture. Mais aussi le pire, si l’on considère qu’une machine est capable aujourd’hui de gagner au poker contre un humain, intégrant pour cela, non seulement le calcul de toutes les possibilités, comme aux échecs, mais également la prise en compte de la notion
de bluffer ! «On est dans un moment qui est une révolution capitale, catalysée par les technologies numériques. Elles vont changer nos vies» Reste à savoir comment.

Dominique Bernerd

Source: https://www.agribourgogne.fr/rubrique.php?arch_num=7910